lundi 16 mars 2009

Résumé du cinquième épisode (1732 - 1736) + index des personnes citées & lexique


Logé de nouveau chez Mme de Warens, qui lui a procuré un emploi au cadastre, Jean-Jacques préfère bientôt enseigner de nouveau la musique. A l’occasion amoureux de ses écolières, il entre dans une situation de ménage à trois avec le domestique et herboriste à domicile de sa protectrice, Claude Anet. Un accident de laboratoire altère sa santé ; il persuade Mme de Warens de quitter la ville insalubre pour le vallon des Charmettes, Anet étant mort peu auparavant.

Jacques Voisine
Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau


Les représentations du cinquième épisode ont débuté le 12 mars 2009


INDEX DES PERSONNES CITÉES DANS CET ÉPISODE

Victor-Amédée Chapel, comte de Saint-Laurent (1682 – 1756), premier officier des finances en 1717, contrôleur général des finances en 1733, deviendra premier secrétaire d’Etat de l’Intérieur en 1742 et ministre d’Etat en 1750.

L’Abbé Palais serait, selon M. Georges Daumas, auteur des Notes sur le séjour de Rousseau à Chambéry, un abbé piémontais du nom de Jean-Antoine Palazzi, lequel avait été nommé en mars 1730 par le Saint-Siège prieur commendataire du Prieuré de Notre-Dame de Bellevaux en Bauges. Le prieur claustral ayant fait opposition, l’affaire fut portée devant le Sénat de Savoie, puis devant l’Intendance générale, ce qui obligea l’abbé Palazzi à séjourner à Chambéry, de l’été ou de l’automne 1732 au début de 1734. Une hypothèse plus récente désigne Jean-Joseph Palais (1712 – 1793), pendant un demi-siècle organiste de la cathédrale d’Auxerre. En 1791, la nation accorda une pension de 800 livres à l’homme qui avait eu l’honneur de donner les premiers éléments de musique à Jean-Jacques Rousseau.

Canavas, de son vrai nom Giovan Battista Canavazzo, était Piémontais d’origine. A son licenciement du service du cadastre, au printemps 1734, il trouva un emploi aux travaux publics, devint en 1736 inspecteur des digues de la Chautagne, quitta Chambéry vers la fin de 1742, pour se rendre à Paris où son mariage le fit entrer dans la famille du peintre Carl Van Loo.

Philibert Caton, vraisemblablement né au Bourget-du-Lac entre 1675 et 1680, semble être entré fort jeune dans l’ordre de l’Observance. Il fit probablement son noviciat au couvent de Sainte-Marie l’Egyptienne de Chambéry, puis fut envoyé à la Faculté de théologie de Paris grâce aux fonds spéciaux accordés par le Prince aux jeunes frères doués. En 1729, on le trouve définiteur de l’ordre des Cordeliers et le 1er août 1732 il prenait la charge de gardien du couvent de Sainte-Marie l’Egyptienne. Ce couvent était situé hors les murs et comprenait un ensemble de bâtiments conventuels auxquels était annexée une église. Des discordes graves, attisées par le gardien du couvent que le Père Caton avait évincé, ne tardèrent pas à déchirer la communauté de Sainte-Marie l’Egyptienne. Le Père Caton fut accusé de gestion frauduleuse et le roi Victor-Amédée dut ordonner une enquête, dont Georges Daumas a publié les conclusions, lavant le Père de toute accusation. On n’a pas retrouvé de documents sur la mort du Père Caton, mais en 1739 il n’était plus gardien du couvent de Sainte-Marie l’Egyptienne et un placet d’un de ses accusateurs reproche à l’un des conjurés d’avoir persécuté et poursuivi feu le Père Caton jusqu’au tombeau.

Péronne Lard, fille de l’épicier Jean Lard et de Marie Beauregard, était encore toute jeune lorsque Jean-Jacques lui donna des leçons de chant. Elle épousa en 1749, le docteur Joseph Fleury, qui devint trois ans plus tard proto-médecin de Savoie.

Marguerite de Lescheraines, fille du président de la Cour des comptes de Savoie, avait épousé en 1714, à 22 ans, le comte Bernard VI de Menthon.

Le docteur François Grossi (ou Grossy), né le 8 avril 1682 à Châteaufort en Chautagne, médecin ordinaire du roi de Sardaigne en 1726, accompagnait le souverain dans ses déplacements et assista certainement à la conversion de Mme de Warens à Evian. Proto-médecin de Savoie dès 1727, il dut séjourner en Piémont en 1733 et 1734 et revint pratiquer à Chambéry en 1735 jusqu’à sa retraite en 1749. Il mourut le 18 octobre 1752.

Jean-Charles de Saint-Nectaire (ou de Sennecterre) (1714 – 1785), épousa en 1738 Marie-Louise de Crussol-Saint-Sulpice.

Jean-Vincent Capperonnier de Gauffecourt (1691 – 1766), élève des jésuites, puis apprenti-horloger à Genève, fonctionna comme secrétaire de M. de La Closure, résident diplomatique de France à Genève en 1735 – 1737 et devint commis pour la fourniture des sels au Valais et à Genève, ce qui ne laissa pas de l’enrichir. Très liés avec les fermiers-généraux, avec Grimm et Diderot, il fut à la Chevrette l’hôte assidu de Mme d’Épinay. Pour satisfaire ses goûts de bibliophile, il monta une imprimerie à Montbrillant près Genève.

François-Joseph de Conzié, comte des Charmettes et baron d’Arenthon, futur syndic de Chambéry, né à Rumilly le 11 février 1707, tenait ces deux domaines de sa mère. Il reçut une éducation soignée, fit des voyages, passa quelques temps à la cour de Sardaigne et vint s’installer aux Charmettes dans l’hiver 1733 – 1734. Il y forma une importante bibliothèque, qui fut séquestrée à la Révolution. M. de Conzié se lia d’amitié avec Mme de Warens qu’il engagea à devenir sa voisine. Il fut également l’ami de Jean-Jacques et entretint avec lui une correspondance. C’est d’ailleurs lui qui lui annoncera la mort de Mme de Warens en 1762. Il mourut le 8 mai 1789.



Lexique du cinquième épisode

Les livres cinquième et sixième couvrent la période du retour de Jacques à Chambéry, fin septembre ou début octobre 1731 jusqu’à son départ pour Paris en 1741. La distinction entre les deux se fait peu clairement.

que si je n’avais pas acheté ces instructions : payé cet apprentissage de la vie au prix fort.

C’était, comme je crois l’avoir dit, un paysan de Moutru : orthographe alors usuelle de Montreux.

qui m'a bien l'air de faire sentir l'empyreume à vos drogues : huile qui sent le brûlé, ou d’une odeur désagréable.

A ce jardin était jointe une guinguette : petite maison de campagne (le premier sens est auberge). Le mot est d’abord le féminin de l’adjectif guinguet = étroit.

qu’on meubla suivant l’ordonnance : on dit dans le style familier d’un homme qui n’a que les meubles absolument nécessaires, et que l’Ordonnance défend d’éxécuter (c’est-à-dire de saisir), qu’il est meublé suivant l’Ordonnance. On le dit aussi par extension de tout ceux qui sont mal meublés.

l’Europe n’était pas si tranquille que moi : c’est le 10 octobre 1733 que la France et l’Empereur se déclarèrent la guerre. Quatre jours plus tard, le Piémont se joignait à la querelle et, peu après, les premières colonnes françaises traversaient la Savoie pour se porter en Italie.

Les opéras de Rameau commençaient à faire du bruit (...) Par hasard, j’entendis parler de son Traité de l’harmonie : Le Traité d’harmonie de Jean-Philippe Rameau (1683 – 1764) parut en 1722. Son premier ouvrage fameux, Hippolyte et Aricie, fut représenté en 1732.

les concertants : un concertant est celui qui chante ou joue sa partie dans un concert.

il parvint (...) à être élu Définiteur de sa province : dans quelques ordres religieux, celui qui est préposé pour assister le Général ou le Provincial dans l’administration des affaires de l’Ordre.

Nous dînions souvent à son petit couvert : repas sans cérémonie.

On y disait le mot et la chose : se laisser aller à quelques plaisanteries un peu libres.

qui ne me prenait plus tout à fait au mot de M. d’Aubonne : qui ne me jugeait plus tout à fait selon le mot de M. d’Aubonne (qui avait prétendu que Jean-Jacques était un sot et qu’il serait tout au plus un curé de village).

Elle avait été cause, à ce qu'on disait, de bien des brouilleries, et d'une entre autres qui avait eu des suites fatales à la Maison d'Antremont : Jean-Jacques fait peut-être allusion à l’affaire du jeune comte de Bellegarde, qui fut accusé d’avoir écrit et répandu des placards injurieux pour le vicaire de police et obligé de quitter le pays pour échapper à la prison.

pour m'apprendre à faire le Phébus avec les dames : faire le beau parleur. Un Phébus est un homme qui brille par son langage et ses manières galantes.

je vécus tranquille et toujours bien voulu dans Chambéri : pour qui on a de bonnes dispositions.

Naturellement ce que j'avais à craindre dans l'attente de la possession d'une personne si chérie était de l'anticiper : Jean-Jacques fait ici allusion à la difficulté qu'il éprouvait à maîtriser son désir amoureux et à ne pas prendre trop tôt son plaisir, solitairement.

Maman, toujours projetante : qui forme des projets.

rien n'engendre plus de riens, de rapports, de paquets : se dit figurément d’une malice, d’une tromperie qu’on fait à quelqu’un.

Faire des noeuds c'est ne rien faire : former au moyen d’une navette, sur un cordon de fil ou de soie, des noeuds serrés les uns contre les autres, manière, pour les femmes du monde, de se donner l’air d’avoir une occupation.

voir pendant ce temps une douzaine de flandrins : terme de mépris. C’est un grand flandrin, un homme élancé, grand et fluet, de mauvais air, qui n’a nulle contenance.

(…) fatiguer leur minerve : au sens ironique de : ils fatiguaient leur cerveau, Minerve étant la déesse de l’intelligence.

La maison ne désemplissait pas de charlatans, de fabricants, de souffleurs : ceux qui par l’Alchimie cherchent la pierre philosophale. On les appelait ainsi parce qu’ils soufflaient sur la braise de leur fourneau pour l’attiser.

La retraite du Protomédecin : médecin principal ou premier médecin.

il gagna une pleurésie dont le génépi ne put le sauver : armoise médicale tonique et sudorifique qu’on trouve dans les Alpes.

Maman (…) m’appelait son petit Mentor : guide avisé et prudent. Dans la légende, Minerve prenait les traits de Mentor, ami d’Ulysse, pour conseiller Télémaque.

Je devenais vilain par un motif très noble : signifie quelquefois avare, qui vit mesquinement.

il n'eût pas convenu, tandis qu'elle était aux expédients, qu'elle eût su que j'avais de l'argent mignon : en style familier, de l’argent comptant qu’on a mis en réserve pour quelque dépense superflue.

Ce fut à peu près dans ce temps-là que, la paix étant faite, l'armée française repassa les monts : les préliminaires de paix entre la France et l’Empire furent signés le 30 octobre 1735.

L'opéra de Jephté était alors dans sa nouveauté : tragédie lyrique tirée de l’Ecriture sainte, de l’abbé Pellegrin, musique de Monteclair, fut représentée à l’Académie royale de musique le 28 février 1732.

je l'avais vivement exhortée à réformer sa dépense : retrancher ce qui est de trop.

Un croquant arrivait-il ? : un homme de néant, un misérable.

des nouvelles toutes fraîches de la République des Lettres : l’ensemble des érudits d’Europe, liés par une étroite correspondance ; l’expression remonte au début du XVIIème siècle.

Je voulus à son exemple faire de l'encre de sympathie : ou encre sympathique. Encre sans couleur qui ne se révèle que sous l’effet de la chaleur ou d’un agent chimique.

après avoir rempli une bouteille plus qu'à demi de chaux vive, d'orpiment et d'eau : arsenic jaune qu’on trouve tout formé dans les terres.

étant bien conformé par le coffre : expression métaphorique : ayant de bons poumons.

comme s’il se fût agi de la possession d’Hélène : princesse de Troie, célèbre pour sa beauté.

les vapeurs succédèrent aux passions : les affections hypocondriaques et hystériques, aujourd’hui les troubles neuro-végétatifs en général. Une certaine maladie dont l’effet est de rendre mélancolique, quelquefois même de faire pleurer, et qui resserre le coeur et embarrasse la tête. L’usage de ce mot remonte au XVIIème siècle.

en faisant diversion aux projets et tenant écartés les projeteurs : les faiseurs de projets, au sens péjoratif.