vendredi 25 décembre 2009

Rousseau ressuscité, par Philippe Lejeune




Il s’appelle William della Rocca, il est acteur. Comme Rousseau, il a formé « une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur » : celle de mémoriser la totalité des douze « Livres » des Confessions (656 pages serrées dans l’édition de la Pléiade), et de les dire sur scène, devant un petit public. C’est une entreprise au long cours : commencée en 2007, elle arrive cette année à sa mi-temps ; en ce mois d’octobre 2009, il donne les premières représentations du livre VI, son objectif étant d’arriver au livre XII en… 2012, pour le tricentenaire de la naissance de Rousseau. Ce n’est pas seulement une question de mémoire, mais de voix et de sensibilité. Dans les Confessions, Rousseau parle à son lecteur. C’est une longue confidence : tendresse, fierté, humour, honte, mélancolie, avec les nuances et les inflexions d’une voix familière, celle d’un homme qui essaie de voir clair dans sa vie et d’en ressaisir la saveur. William della Rocca s’est placé dans un cadre intime : il joue en théâtre d’appartement, chez des amis, devant une vingtaine de personnes. Après le spectacle, il prend le verre de l’amitié avec ses spectateurs. C’est pour lui une expérience spirituelle intense que de consacrer six ans entiers de sa vie à dire la vie d’un autre. Et pour le spectateur, il est étrange et bouleversant de passer une soirée en tête-en-tête avec Rousseau – car il est impossible de ne pas y croire. C’est une manière de découvrir Rousseau, si on n’en avait qu’une vague et scolaire idée – et de changer d’avis, si l’on avait des préjugés. Une manière de renouer des liens d’amitié, si on avait déjà fréquenté le texte des Confessions. Dans tous les cas, qu’on aime ou non, cela conduit à penser à soi, à sa vie, car ces méditations, examens de conscience et plongées dans le souvenir sont contagieux.

Il faut bien sûr réserver sa place, moyennant une modique contribution. On peut aussi organiser chez soi, pour ses amis, la lecture d’un livre. En décembre, William della Rocca enchaînera, d’un lundi à un samedi, les six premiers livres. Et plus tard, ne serait-ce qu’aux Journées 2012 à Genève, il sera Rousseau pour l’APA.


Article paru dans La Faute à Rousseau n° 52,

la revue de l'Association Pour l'Autobiographie, du mois d'octobre 2009


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