jeudi 27 septembre 2012

Au Panthéon


J'ai eu le grand honneur hier, mercredi 26 septembre 2012, de dire à quelques mètres du tombeau du vrai Jean-Jacques Rousseau, le premier livre de ses Confessions. Ce fut une représentation privée, destinée à un groupe d'élèves du prestigieux lycée Henri IV, tout proche, et à quelques jours de la clôture de la superbe exposition Rousseau et les arts, qui demeurera pour moi la plus réussie de toutes celles qui ont eu lieu en cette année de commémoration.



mercredi 12 septembre 2012

"Rousseau est comme un ami que je veux défendre"


Voici la traduction de l'article paru dans le journal néerlandais Trouw (voir reproduction plus bas).
Cette traduction est signée Robert Egeter van Kuyk, que je remercie profondément, et a été rendue possible par l'intervention inspirée de mon cher ami Sylvain Savard, que je remercie de tout coeur également. 

"Rousseau est comme un ami que je veux défendre"

L'acteur William della Rocca est tellement fasciné par le philosophe Jean-Jacques Rousseau qu'il sait déclamer par coeur les 256.000 mots de son oeuvre Confessions. "Il y en a qui me prennent pour un jukebox : poussez le bouton et vous entendez du Rousseau." L'acteur William della Rocca (49 ans) secoue la tête, assis dans la maison de naissance de Rousseau (1712-1778) dans la Grand'Rue au vieux centre de Genève. Dans un instant il changera son jeans pour des culottes XVIIIe siècle, couvrir avec une perruque les quelques cheveux qui lui restent sur la tête, et lire, comme Rousseau, le douzième et dernier livre des Confessions. Disons plutôt : déclamer, par coeur, comme il a déclamé les onze livres antérieurs au cours des six années passées. Parfois il raccourcit les textes et en fait un 'spectacle' de deux heures. Mais aujourd'hui au tricentenaire de la naissance de Rousseau il parachève son travail. Comme les musulmans qui savent réciter le Coran tout entier, le Parisien Della Rocca récite les Confessions - remarquons que l'autobiographie de Rousseau a trois fois la longueur du Coran: quelque 256.000 mots.

Della Rocca est animé de Rousseau. Vit Rousseau, mais n'est pas un jukebox. "Oh, je ne peux pas déclamer un passage quelconque, comme ça, il faut bien que je me prépare. Il faut une bonne ambiance, car il m'arrive parfois de perdre le fil si je ne peux pas me concentrer parce que le public ne se tait pas, par exemple." Mais voyons, comment fait-il pour maîtriser une si grande quantité de texte ? "Bon, il s'agit d'entrainement et le style de Rousseau m'y aide beaucoup. Il est rythmé, moi j'ai une mémoire auditive et je lis le texte à haute voix, écoute ses sonorités, la musicalité du texte. C'est ainsi que je le maîtrise. Donc si je me trompe, je m'en aperçois immédiatement comme si je faisais une fausse note au piano."

Il n'en finira jamais, dit Della Rocca. "Je ne cesse de relire, me replonge dans le texte, souvent en prenant une douche j'en déclame des pages, parfois je ne peux penser à rien d'autre et alors il faut que je me dise: arrête!"

Il y a six ans il fit la connaissance de Rousseau par un film. "J'en étais pris au dépourvu. Jusque-là je ne savais rien de lui, et encore moins des préjugés qui existent sur sa personne et son oeuvre. Avec une franche innocence je me suis mis à lire les Confessions et j'étais perdu. Reconnaître les similarités de nos biographies ..... la mère de Rousseau mourut à sa naissance; il devait sa vie à la mort de la mère et son père n'a jamais cessé de le lui rappeler, créant ainsi ce sentiment de culpabilité qui l'a formé par la suite." Della Rocca se tait, se reprend. "Moi aussi j'ai perdu ma mère dès un jeune âge et j'en garde toujours un trou, un vide en moi que ne pourrait ressentir que celui qui a eu la même expérience ...." L'oeuvre de Rousseau résonne de cette perte de sa mère, dit Della Rocca. "Au-dessus de tout il cherchait la réunion, la fusion avec quelqu'un d'autre, recherche qui se soldait par un échec. Dans ses Confessions il se met à poil, il s'ouvre sans réserve, et c'est ce qui me touche tellement. En lui, je reconnais la complexité de celui que je suis, moi."

Souvent on dit Rousseau hypocrite. Ce n'est pas juste, dit Della Rocca. "Une telle critique vient le plus souvent du côté de personnes qui ne l'ont jamais lu. Quant à moi, je suis convaincu qu'il est honnête, sincère. Mais j'admets - je ne suis plus guère partie neutre quand il s'agit de Jean-Jacques, il est comme un ami que je veux défendre. Il est inévitable de l'aimer quand on le lit avec attention!"