jeudi 27 décembre 2012

Ainsi s’achève l’Année Rousseau !


Le mercredi 12 décembre l'année Rousseau s'est officiellement achevée à Genève. J'ai eu le grand honneur de participer à la soirée qui a clôturé cette année faste en évènements de toute sorte, et vous pouvez en lire ci-dessous un compte-rendu, sorti de la plume alerte de Denis Dabbadie, membre éminent de l'Association Pour l'Autobiographie (A. P. A.). 

Je le remercie de m'avoir autorisé à le reproduire ici en avant-première. Il figurera dans le prochain numéro de la " Faute à Rousseau ", la belle et riche revue de l'association sus-nommée.

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Ainsi s’achève l’Année Rousseau !
(de notre correspondant permanent à Genève)

12-XII-012. Date fameuse entre toutes pour les Genevois (et fête cantonale), le 12 décembre marque l’anniversaire de l’Escalade : en 1602, grâce à l’initiative de la Mère Royaume (beau nom pour une citoyenne de la République) qui réveilla ses compatriotes en jetant par sa fenêtre, d’après la légende, sa marmite de soupe (d’aucuns parlent d’un autre récipient et d’un autre contenu…), le peuple genevois parvint à bouter hors de la ville les envahisseurs savoyards qui croyaient réussir leur forfait sous le couvert d’une nuit d’encre. Cette année, ce même jour voyait la clôture officielle des festivités du Tricentenaire de Jean-Jacques Rousseau.
Après une séance (très) académique à l’université, en conclusion de son cycle « Penser avec Rousseau », et une verrée chez Papon, la Maison (natale) de Rousseau invitait les principaux « porteurs de projets » à lire leur texte de prédilection de Jean-Jacques en commentant leur choix. Beau bouquet final imaginé par Isabelle Ferrari, l’infatigable directrice de l’Espace Rousseau. La quinzaine de personnalités retenues, venues de tous horizons, permettait de prendre une fois encore conscience de la diversité de cette œuvre qui continue toujours de surprendre, fût-ce dans ses contradictions. Ainsi, Jean Starobinski lut-il avec gourmandise le passage du Livre IV de l’Émile où l’auteur développe la proposition-supposition « Si j’étais riche… » ; il observa qu’ici, le portrait du père en chasseur accompagné de son chien complète celui des Confessions, qui nous le montre entouré de ses livres. Un pasteur arborant un discret soul patch et une élégante pasteure tirèrent des Lettres écrites de la Montagne une analyse de la Réformation plus riche d’enseignements aujourd’hui que jamais, ainsi que le beau portrait d’un Jésus proche de nous, pauvres humains. Huguette Junod pointa malicieusement, avec de très brefs extraits puisés dans le Livre V de l’Émile (finalement, l’œuvre la plus citée en cette soirée, puisque quatre fois « nominée ») les « horreurs » proférées à l’adresse des femmes : « Si je n’avais pas été féministe, lorsque j’ai découvert ces lignes, je le serais aussitôt devenue ! », ajoutait notre Présidente genevoise.
Quant à lui, William della Rocca (qui, au printemps et à l’automne, a présenté à la Maison de Rousseau l’intégralité de son incarnation des douze livres des Confessions), confia l’illumination, aussi fulgurante que celle de Vincennes pour Jean-Jacques, par laquelle, en 2006,  il se ressentit comme le frère de ce dernier, un jour d’été méridional, au sommet… du Massif de l’Étoile ! Il partageait alors avec l’assistance, très émue, la « nuit délicieuse hors de la ville » du Livre IV.
Ces lectures furent couronnées par la lettre à Toussaint-Pierre Lenieps, écrite de Montmorency, le 2 décembre 1759, où Rousseau invite son ami à venir chez lui afin de… célébrer l’Escalade ! Subtile transition pour ne pas faillir à la tradition moderne qui veut qu’une marmite en chocolat soit écrasée sous l’exclamation « Ainsi périssent les ennemis de la République ». Périlleuse mission dont furent chargés deux éminents initiateurs de l’Année Rousseau. L’un, François Jacob (directeur de l’Institut et Musée… Voltaire), est également commissaire de la passionnante exposition « Nota bene : de la musique avec Rousseau », à admirer à la Bibliothèque de Genève jusqu’au… 2 mars 2013. Malgré tout, le duo s’écria pour l’occasion : « Ainsi s’achève l’Année du Tricentenaire ! ».

Denis Dabbadie